Lettre au père de ma fille

CHEMIN

Pour T-H, père de Caroline

 

J’ai été à toi

Pieds et poings liés

Du fait de ma volonté ou plutôt de ma lâcheté

Tu ne m’as pas achetée

Tu m’as seulement proposé des mots que je mourrais d’envie d’entendre

Et je me suis jetée à corps perdu

J’ai perdu mon corps, rejeté, oublié

Pourtant j’ai eu le choix de répondre pour moi…

J’ai vécu dans l’instant, dans le désir, sans plus longtemps réfléchir…

Regarder dans le miroir de mon cœur,

         Miroir brisé

Je me suis enchaînée

Esclave volontaire de mon imaginaire et du Prince Charmant

J’ai été dupée par les fées

La réalité crue je n’en ai pas voulu

Je n’aspirais qu’à la beauté, à l’harmonie, la volupté

         Chimère – mère – merci

Etre mère j’ai voulu, avec toi

J’ai attendu, j’ai désiré, je me suis rongé les freins

Le premier espoir n’a duré que trois mois

         Désertée

Je me suis accrochée à ton rocher

Solide, inébranlable mais parfois friable

Tu avançais, lentement, péniblement, volontairement

Et moi pendant ce temps j’ai reculé, je me suis repliée

J’ai cédé peu à peu, lumière déclinée…

Puis nous avons eu un bébé qui n’est pas resté

         Déchirure

Je n’ai pas résisté à la violence de la blessure

Cordon d’argent coupé

Je me suis coupée de toi et du monde pour un milieu protégé

Je me suis faite enfermer

Pour enfin me reposer, reprendre des forces et émerger

 

Je suis ressortie de l’œuf

Tu étais là désorienté face à la femme aimée que tu ne comprenais plus

Face à cette femme perdue si faible encore, ému

Nos deux chemins se sont croisés il y a quelques années

Nous avons tant lutté l’un contre l’autre

         Décharnés

Je me suis échappée du chemin tout tracé

Et je t’inflige cette blessure supplémentaire

Je te laisse à ta route pour suivre en solitaire

Celle qui mène à moi, qui mènera à la joie

Quand j’aurai retrouvé ma voix

Vois-tu l’aube qui point ?

Je ne t’ai pas rejoint, non, je ne t’aime plus

Mais mon cœur pour toi est encore tout ému

Oui, j’ai des sentiments pour toi

Mais ce ne sont pas ceux d’avant mon trépas

Je commence à renaître

Puis-je compter sur toi malgré mes déchirures ?

Quand tu pourras, seras-tu là, pour m’aider à être moi ?

 

Tu as des qualités nombreuses pour ton métier

Tu me les as offertes, je les ai acceptées

Mais je ne m’y suis pas adaptée

Je te les restitue

Puisses-tu en faire don à une autre que moi

Qui saura apprécier le cadeau… cette fois

 

Marie-Laure MARIN-THIBAULT
Octobre 2001

 

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