Toi, ma fille...

TOI, MA FILLE…

 

Tu es née en soirée, juste après dix-huit heures

Ce fut un moment fort et tendre… Quel bonheur !

Petit corps tout fripé aux cheveux noir-corbeau

Malgré la lumière crue, ton regard était beau,

Profond, plein de douceur comme le grain de ta peau

Toi blottie dans mes bras, on a pris du repos…

Tout à la nouveauté, ton père n’a pas pensé

A prendre des photos pour nous récompenser

De l’effort accompli pour cette venue au monde

Et l’on n’osait pas croire, non, pas une seconde

Que ton passage sur terre serait si bref, si court

Et que trois jours en tout seraient ton seul parcours…

Je t’ai bercée la nuit, je t’ai donné le sein

Une fois seulement, Dieu avait son dessein

Que j’ai vite compris malgré ma peine immense

J’ai pleuré doucement sans faire de nécromance

Mais je percevais bien que de là où t’étais

Tu voulais me voir libre et non comme j’étais

Mariée et malheureuse avec ton père aigri.

J’ai donc porté ton deuil, du noir et puis du gris…

Mon cœur en mille morceaux, je suis retournée seule

Vivre chez mes parents, et toi, dans ton linceul

Tu me couvais des yeux. Du moins je l’espérais

J’ai repris mon métier avec quelque intérêt…

La vie continuait, je me devais de vivre

Consciente de ma chance, et non seulement survivre

Alors j’ai recherché à me faire des amis

Au hasard d’une annonce. Sans aucun compromis

J’ai découvert un homme, généreux et gentil

Et c’est même au mariage que ça a abouti !

Aujourd’hui je vais bien, je rayonne et je ris,

Je pense toujours à toi… mais moins qu’à mon mari !...

 

Marie-Laure MARIN-THIBAULT

Avril 2010

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